mardi 4 décembre 2012

Négocier avec les grands comptes

Un article paru dans Le Monde  du 15.11.2012 sous la plume de Jean-Baptiste Chastand m'a prodigieusement fait penser aux négocations dans les grands comptes ... On en trouvera ci-dessous des extraits (en italique), entre mes commentaires. Il s'agit, en l'occurrence des négociations démarrées début octobre 12 entre cinq syndicats et des organisations patronales concernant le droit du travail, pour trouver un "compromis historique" demandé par les politiques.
Travail d'équipe et endurance
Comme en ce qui concerne les grands comptes, cette négociation-là implique de nombreux interlocuteurs de part et d'autre. Chacun a son rôle et joue sa partition, chacun doit rester attentif et concentré, à l'affut de toute information.  
"..."Derrière chacun d'entre nous, il y a toute une équipe", avertit d'emblée Stéphane Lardy, doyen, autour de cette table, des négociations sur l'emploi – il a mené pour Force ouvrière (FO) toutes celles qui ont eu lieu depuis 2007.
Comme les autres syndicats, il a l'habitude de venir, dans cette salle au siège du Medef, avec cinq ou six personnes en s'appuyant sur différentes compétences. Etre nombreux permet aussi de rester attentifs pendant les longues heures que peuvent durer les tractations. "Tout peut se dénouer en quelques minutes, il ne faut rien rater", explique M. Lardy, qui avoue "faire attention à manger léger avant d'entrer dans la salle"..."
L'improvisation de paie pas !
Dans les grands comptes, c'est souvent le concurrent le plus professionnel et le mieux organisé qui l'emporte.
... "Si lui mène sa délégation avec autorité, celle de la CGT est nettement plus improvisée. A cause des dissensions créées par la course à la succession de Bernard Thibault, le secrétaire général, finalement emportée par Thierry Lepaon. Pour avoir soutenu un autre candidat – Eric Aubin –, Maurad Rabhi, chef de file historique du syndicat sur l'emploi, a été remplacé à la tête des négociateurs par Agnès Le Bot. Mais M. Rabhi, toujours présent dans la délégation, ne s'interdit pas pour autant de prendre la parole. "On a quatre membres de la direction dans la délégation, c'est intenable", admet un membre de la CGT. Résultat : le syndicat de M. Thibault semble exclu de la négociation, personne ne s'attendant à ce qu'il soit en capacité de signer un accord. "C'est dommage, car en s'engageant sérieusement dans une négociation, on peut obtenir des avancées, même si in fine, on ne signe pas", explique un déçu de la CGT"...
Etre celui qui tient la plume
De même que souvent un KAM ou un commercial grands comptes doit être présent dans le grand  compte bien avant l'émission d'un appel d'offres ...
... "Côté patronal, la délégation est encore plus importante. Derrière les négociateurs du Medef, de l'UPA (artisans) et de la CGPME, s'assoient une dizaine de représentants des différentes fédérations professionnelles. De ce côté-là de la salle, la discipline règne. Seul Patrick Bernasconi, patron de plusieurs entreprises du BTP, s'exprime. "Nous avons intérêt à rester unis, explique sans ambages Geneviève Roy, qui négocie pour la CGPME. Si j'ai un désaccord avec le Medef, je préfère toujours leur dire lors des suspensions de séance." Chose rarissime, depuis trois semaines, elle multiplie toutefois les critiques publiques sur l'idée de taxer les contrats courts, que pourrait accepter le Medef...."
"L'unité patronale permet surtout aux employeurs de bénéficier d'un gros avantage : celui de tenir la plume de l'accord qui sera ensuite soumis aux syndicats. "C'est plus simple de négocier sur votre propre texte", .../... La méthode – ou le jeu – que certains qualifient "d'archaïque" est toujours la même : le patronat propose d'abord un texte inacceptable pour les syndicats, avant de faire des concessions qui permettent à chacun de dire qu'il sort gagnant si un accord est signé."
Un long processus
"Dans une négociation, la signature n'est en effet que la fin d'un long processus où la stratégie joue un grand rôle. "La plus grande qualité d'un négociateur, après le fait de travailler ses sujets, est de pouvoir juger ce qui se cache derrière les non-dits. C'est là où peut se construire un accord", explique Marcel Grignard, longtemps n° 2 de la CFDT."
Des décideurs multiples
"La vraie négociation se fait à l'abri des regards, dans le cadre de rendez-vous bilatéraux et informels entre syndicats et organisations patronales, qui restent souvent secrets. "Dans ces rendez-vous, le ton est nettement plus relâché. On n'hésite pas à se dire mutuellement jusqu'où nos organisations sont prêtes à aller", .../... Les négociateurs sont en contact permanent avec leurs propres dirigeants, toujours prêts, lors des séances conclusives, à prendre le relais, même en pleine nuit, s'il faut négocier au plus haut niveau une virgule ou un point."